Livia Gluchowska : le JJB féminin australien atteint les sommets
Il y a quelques années, j’ai eu la chance d’aller en Australie et de m’y entraîner. J’y ai découvert une communauté de femmes pratiquant le jiu-jitsu brésilien très dynamique et un niveau très relevé. Pour vous la faire découvrir, j’ai interviewé une incroyable athlète que j’ai eu la chance de rencontrer : la triple championne du monde Livia Gluchowska.
Bonjour Livia ! Pourrais-tu te présenter, nous dire d’où tu viens et où tu vis ?
Je m’appelle Livia Gluchowska et je suis ceinture marron de jiu-jitsu brésilien sous Lachlan Giles. Je suis aussi kinésithérapeute et entraîneur à Absolute MMA & Conditioning à Melbourne en Australie.
Comment et où as-tu commencé le jiu-jitsu brésilien ?
J’ai commencé fin 2010 après avoir rencontré mon compagnon Lachie. Nous étions en voyage au Brésil, et j’en avais assez de faire la fête. Le JJB avait l’air amusant, alors j’ai décidé de tenter l’expérience.
J’ai été une athlète de haut niveau toute ma vie. En gymnastique rythmique pendant 12 ans, discipline où j’ai représenté la Pologne et l’Australie, puis en cyclisme pendant 6 ans. J’ai ensuite décidé d’arrêter le sport de haut niveau pour me concentrer sur mes études et ma carrière professionnelle. Cela n’a pas duré longtemps. Après seulement trois mois d’entraînement, j’ai participé à ma première compétition et suis tombée amoureuse du JJB. Je ne l’ai jamais regretté.
Quelle place tient le jiu-jitsu dans ta vie quotidienne ?
Je suis associée dans l’académie Absolute MMA & Conditioning à South Yarra (Melbourne, Australie) où je m’occupe du programme de JJB pour femmes. En parallèle, je m’entraîne deux fois par jour, sauf le dimanche où je me repose. Entre les entraînements, je travaille en tant que kinésithérapeute et donne des cours de pilate thérapeutique.
Pourrais-tu nous parler de ta carrière en jiu-jitsu brésilien ?
Je n’avais pas l’intention de faire de la compétition lorsque j’ai commencé le JJB. Ceinture blanche, je perdais beaucoup et n’ai gagné que quelques combats en compétition. Ce fut la même chose lorsque je suis devenue ceinture bleue, je n’avais rien d’exceptionnel mais lorsque j’ai combattu à mes premiers championnats du monde en 2012, j’ai eu un déclic. J’ai perdu au deuxième tour mais je suis sortie du tapis en me disant qu’un jour j’arriverai au meilleur niveau et que je serai championne du monde.
Durant l’année suivante j’ai suivi un programme d’entraînement que j’ai préparé avec Lachie : j’ai fait des drills spécifiques, de la musculation, beaucoup de compétitions. J’ai parfaitement suivi le plan au championnat du monde 2013 où j’ai remporté le titre mondial. J’ai ensuite reçu ma ceinture violette et quelques mois plus tard, gagnais le championnat du monde No Gi.
Après le Championnat du monde No GI, Lachie et moi sommes allés vivre 6 mois au Brésil pour nous entraîner et participer à des compétitions. Mes meilleurs résultats auront été une médaille d’argent au Brazileiros et quelques victoires à des compétitions locales.
En 2015, j’ai gagné la médaille d’argent au Championnat du Monde en ceinture violette. Une défaite en finale qui m’a profondément marquée sur le coup. Cette année là j’ai aussi laissé passer la qualification pour l’ADCC (Abu Dhabi Combat Club) en perdant en finale des qualifications pour l’Asie/Océanie qui eurent lieu au Japon.
Lachie me remit la ceinture marron en décembre de la même année. Il y a quelques mois j’ai combattu à l’Abu Dhabi World Pro 2016 où j’ai battu une solide ceinture noire avant d’affronter mon idole Michelle Nicolini (qui m’étrangla plutôt rapidement avec un triangle).
Je reviens tout juste de Los Angeles où j’ai remporté le titre de Championne du Monde 2016 ceinture marron dans la catégorie de poids rooster. Je suis toujours sur un nuage !
Hormis cela, je détiens aussi plusieurs titres à l’Asian Open, aux Pan Pacific, de championne d’Australie et de l’état de Victoria.
Ton compagnon fait aussi du jiu-jitsu brésilien à haut niveau. Qu’est-ce que cela fait de partager ta passion avec lui ?
C’est un rêve qui devient réalité. J’aime partager cette aventure avec lui. C’est mon coach et il est très bon. Il est patient, gentil, me soutient, est très technique et analytique. Il suit le JJB moderne et parfois il est aussi dur avec moi.
Nous voyageons ensemble et souvent partageons les mêmes émotions, les mêmes hauts et bas. Au final nous rions beaucoup ensemble et nous moquons l’un de l’autre.
Tu viens d’ouvrir une académie. Peux-tu m’en parler ? Quelle a été ta motivation ? Comment fais-tu pour trouver un équilibre entre tes cours et ton entraînement personnel ?
Lachie et moi sommes co-associés. Nous avons ouvert notre académie il y a un an et demi. Elle se développe de plus en plus depuis. Nous avons les meilleurs compétiteurs d’Australie mais accueillons aussi les débutants.
J’ai beaucoup de chance d’avoir autant de partenaires d’entraînement incroyables, de gabarits et de niveaux différents. Nous avons un bel esprit d’équipe, nous sortons beaucoup ensemble. Je suis très fière de ce que nous avons créé.
Le jiu-jitsu brésilien féminin s’est aussi développé. Il y a un an, j’étais la seule sur les tapis. Aujourd’hui nous avons 5 à 15 femmes à l’entraînement quelque soit le jour ! J’aime aider les filles à progresser mais elles m’aident aussi beaucoup en étant de superbes partenaires d’entraînements.
Parle-nous du jiu-jitsu brésilien en Australie ?
Le JJB australien grandit rapidement. Nous avons des clubs dans toutes les villes beaucoup de compétitions à travers le pays et de bons combattants (les résultats commencent à parler d’eux-mêmes). L’Australie a remporté cette année 5 médailles d’or au Championnat du monde, toutes gagnées par des femmes (1 en ceinture marron, 2 en ceinture violette, 2 en ceinture bleue junior). Trois de ces médaillés sont de Absolute MMA ! C’est une sacrée réussite.
Les hommes ne sont pas en reste. Lachlan Giles a représenté l’Australie à l’EBI (Eddie Bravo Invitational) et à la Copa Podia. Craig Jones est Champion du Monde en ceinture violette et sera aussi à la Copa Podio, Rod Costa a gagné une médaille d’argent en ceinture marron à la même compétition. Ben Hodgkinson a remporté la 3e place à l’Open Européen IBJJF et Levi Jones est vraiment très prometteur.
Qu’en est-il du JJB féminin australien. Quelle en est a ta vision ? Comment penses-tu qu’il va évoluer ?
Il y a actuellement beaucoup de femmes qui s’entraînent et participent à des compétitions. Nous avons déjà des juniors qui remportent leur catégorie aux Championnats du Monde, des médailles dans chaque catégorie de ceinture. Je pense que l’on va dans la bonne direction… J’espère voir dans quelques années plusieurs d’entre nous combattre, faire des émules en ceinture noire et remporter des médailles.
Beaucoup de clubs proposent des cours réservés aux femmes et augment ainsi leur taux de participation et de rétention.
En janvier, j’ai enseigné à 130 femmes débutantes à confirmées, lors d’un stage d’Australian Girls in Gi. C’est énorme exploit pour Jess Fraser d’organiser un gros événement comme celui-ci et de réussir à rassembler tout le monde sur le tapis dans un esprit si positif.
Peux-tu nous dire plus d’Australian Girls in Gi (AGIG) ?
Jess Fraser est le cerveau à l’origine d’AGIG. Je suis heureuse de faire partie de ce groupe et d’être invitée comme entraîneur à certains événements. Australian Girls in Gi est un important réseau de soutien conçu pour connecter toutes les femmes à travers l’Australie et le monde. Il est évident que depuis la création d’AGIG le nombre de femmes au JJB a considérablement augmenté. C’est vraiment merveilleux de faire partie d’une communauté si forte et soudée.
Tu combats à un haut niveau et tu as eu l’occasion de t’entraîner dans de nombreux pays. Qu’as-tu aimé/détesté ?
J”ai aimé la plupart des choses, à part devoir voyager aussi loin. C’est coûteux en temps et en argent. Je ne peux malheureusement pas participer à autant de compétitions que je le souhaiterais.
Pour ce qui est de l’entrainement, j’adore visiter différentes académies et voir comment on s’y prépare, les drills pratiqués et la manière d’enseigner. J’aime les entraînements spécifiques et pertinent pour le JJB. Je déteste les échauffements de 30 minutes de courses et de pompes qui n’ont aucun lien avec le jiu-jitsu brésilien contrairement aux drills par exemple. Au-delà de ça, ce qu’il a de mieux lorsque l’on s’entraîne à l’étranger c’est de rencontrer de nouvelles personnes et retrouver de vieux amis.
Que penses-tu de la place de la femme dans le jiu-jitsu brésilien ? Son image ? Quelle a été ta plus grande expérience ?
Je pense que les femmes se font de plus en plus remarquer et commencent à être prises au sérieux. Je n’ai eu que de bonnes expériences et j’ai été bien reçue partout et traitée d’égal à égal. Je travaille en tant que coach dans mon club, donne des cours privés et je reçois tout le respect qui m’est du, tout comme les hommes. Pour moi, si l’on agit en professionnel, on est traité en tant que tel en retour.
Ce serait bien d’avoir les mêmes opportunités que les hommes en termes d’invitations à des compétitions, de sponsoring et de rôle en tant qu’entraîneur. Nous allons je l’espère poser les bases pour que la prochaine génération de femmes y parvienne.
Ma plus grande expérience a été de remporter 3 titres de championne du monde. Chaque titre était différent et signifiait des choses différentes à titre personnel. Je ne serai jamais capable de décrire cela avec des mots.
Entraîner des femmes, les voir développer leur jeu et tomber amoureuse du jiu-jitsu brésilien est aussi vraiment inspirant. J’aime tout simplement mon travail.
Tu as récemment eu l’occasion de t’entrainer avec des légendes comme MacKenzie Dern et Braulio Estima ou de combattre Michelle Nicolini. Qu’as-ressenti en rencontrant ces légendes et en intégrant le plus haut niveau du JJB ?
Jamais je n’aurais pensé que cela arriverait aussi tot pour moi. Michelle et McKenzie sont mes idoles. M’entrainer avec elles et les affronter est un rêve qui devient réalité. Il me reste un long chemin à parcourir avant d’atteindre leur niveau, l’expérience ne tombe pas du ciel. Il me faudra encore beaucoup de sueur, de sang et de larmes mais je suis prête pour le défi. Elles m’ont donné tant d’espoir et de motivation. J’espère un jour pouvoir atteindre la moitié de leur niveau.
Quels sont tes futures objectifs en JJB?
J’aimerais faire le championnat du monde No Gi (No Gi Worlds) cette année, me qualifier pour l’ADCC et ensuite combattre au Championnat du monde Ceintures Noires (No Gi Worlds). Je suis la première australienne à avoir remporté le championnat du monde Gi en ceinture marron et je vise une médaille en ceinture noire. Avec beaucoup de travail, je devrais pouvoir y arriver.
Que souhaites-tu au jiu-jitu australien ?
Je pense que le JJB australien est bien plus relevé que le pense la plupart. Nous devenons plus forts et meilleurs chaque années et engrangeons des résultats à l’international. Beaucoup de compétiteurs de haut niveau s’entraînent ensemble pour progresser. Absolute MMA a une politique d’ouverture et tout le monde est bienvenu. J’espère continuer ainsi sans politique, avec du jiu-jitsu moderne, une équipe soudée et beaucoup beaucoup de rigolades !
J’aimerais remercier mes sponsors MA1 Apparel, Musashi Nutrition, Combat Sports Nutrition, DEXA Melbourne and Core Tactics.
Merci Livia pour cette interview !
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